Les histoires de mémé

En suivant la rivière…

Récemment, j’ai écouté un Podcast, un peu au hasard, je l’avoue. Celui-ci devait m’accompagner dans une balade au bord de la rivière. C’est une habitude que j’apprécie, un compagnon de route qui me permet de laisser aller mes pensées, de découvrir d’autres horizons, de m’échapper. Ce Podcast avait pour titre « Les femmes sont-elles des hommes comme les autres ? ». Je me suis dit pourquoi pas.

J’ai d’abord écouté d’une oreille distraite et puis, au fur et à mesure les mots sont entrés en moi. Je me suis assise, et j’ai bien écouté. Je ne suis pas une féministe active, je n’appartiens pas à un mouvement. Mais, je m’intéresse à la parole des femmes, à leurs histoires, à leurs parcours, à leurs blessures, à leurs victoires sur elle-même, la société, la famille. En tant que femme, je me dis que je me dois d’avoir conscience de tout ce qui m’a faite telle que je suis et que j’ai intégré par ignorance, par convenance : les mythes, l’histoire, les sciences, la société… Et ce, pour prendre de la distance, comprendre ce qui me blesse, ce qui me gêne, ce qui me contraint afin de mieux me connaître et être telle que moi je veux être.

Je n’ai absolument pas l’intention de paraphraser cette écoute. Peut-être, en me lisant, aurez-vous envie d’écouter cet épisode d’une série produite par Arte Radio, « Un podcast à soi ». Non, ce que j’avais envie de vous partager c’est les extraits des livres qui ont été cités car ils sont des monuments, des emblèmes, des encrages pour les femmes. Vous le constaterez par vous-même, le sujet n’est pas nouveau. Je vous partage ici, les extraits qui m’ont le plus interpellée. Je crois que je vais acheter ses livres et les lire en fil rouge dans mon quotidien.  Une distillation lente et pénétrante pour ne jamais me laisser à penser que les choses vont de soi, pour nous, les femmes.

Extrait du livre Ainsi soient-elles, de Benoîte Groult | Première parution 1975
J’avais à peine plus de 20 ans, j’étais dans les toilettes pour dames d’un salon de thé des monts wicklow, je me tapotais le visage, déjà peinturluré, dans le but d’avoir un menton un peu plus beige ou des cils mieux séparés, quand une petite fille de 5 ans environ et une femme élégante, disons qu’il s’agissait de sa tante, ont fait leur entrée apparemment pour que tatie, puisse se repoudrer un nez déjà poudré et que la petite fille fasse un petit pipi. L’enfant ayant fait ce qu’elle avait à faire, l’adulte la souleva pour qu’elle se lave les mains. Puis tatie défit sa queue de cheval de bébé pour la rattacher, en faisant retomber de part et d’autre de ce visage d’enfant quelques bouclettes sombres. Puis tatie sortit un flacon de parfum et en aspergea les poignées et le coup de la petite fille. Elle défroissa les vêtements de sa nièce, lui sourit en la regardant droit dans ses grands yeux ronds. « Regarde comme tu es belle maintenant ! ».  Il y avait tellement d’amour dans chacun de ses gestes, et la petite était tellement contente que cette adulte élégante, qu’elle semblait porter aux nues, la face toute belle et lui dise qu’elle l’était. Mais quand elles sont sorties des toilettes, alors que je m’évertuais à essayer de dompter un cil particulièrement récalcitrant, une pensée m’a traversée l’esprit. Comment pourra-t-elle bien savoir que ce n’est pas son apparence qui compte ? Soudain je me suis souvenue de tous ces adultes qui répondaient à mon regard levé vers eux, par un sourire, en me disant que j’étais magnifique. Alors j’ai observé mon visage dans la glace, un visage dont, à ce moment de ma vie, je considérais qu’il me fallait le repeindre méticuleusement chaque matin sans exception, avant de sortir de chez moi. Et, dans la chaleur de ces compliments, j’ai vu que le mal avait été fait.

Extrait du livre Girls will be girls d’Emer O’TOOLE | Première parution 2017
L’effort physique est en général un facteur de classe, non de sexe. Les tâches les plus pénibles sont toujours réservées à ceux d’en bas qu’ils soient robustes ou non. Jean-Jacques Rousseau, au siècle des lumières, vint donner sa caution aux éducateurs. « La femme est faite pour céder à l’homme et supporter ces injustices. Toute son éducation doit être relative aux hommes, leur plaire, leur être utile, les élevés, jeunes, les soigner, grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce. » Et Napoléon vint couronner le tout en définissant, sans ambiguïté, la place de la citoyenne dans la société, par l’article 1124 de ce monument de misogynie qu’est le code civil : « Les personnes privées de droits juridiques sont les mineurs, les femmes mariées, les criminels et les débiles mentaux. »

Extrait du livre Les Guérillères de Monique Wittig | Première parution 1969
Elles disent « Ils t’ont tenue à distance, ils t’ont maintenue, ils t’ont érigée, constituée dans une différence essentielle. Elles disent « Ils t’ont, telle qu’elle, adoraient à légal d’une déesse ou bien ils t’ont brûlée sur leur bûcher ou bien ils t’ont reléguée à leur service dans l’arrière-cour. Elles disent ce faisant « Ils t’ont toujours, dans leurs discours, traînée dans la boue. Elles disent que, chose étrange, « Ce qu’ils ont dans leurs discours, érigées comme une différence essentielle, ce sont des variantes biologiques. » Elles disent « Ils t’ont décrite comme ils ont décrit les races qu’ils ont appelées inférieures. Elles disent « Oui, ce sont les mêmes oppresseurs dominateurs, les mêmes maîtres, qui ont dit que les nègres et les femelles n’ont pas le cœur, la rate, le foie à la même place qu’eux. Que la différence de sexe, la différence de couleur, signifie l’infériorité, droits pour eux à la domination et à l’appropriation. ».


Cette histoire a été partagée par Marie.
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