Juillet 2019, je tombe. Je m’écroule. Je prétends ne rien avoir vu venir, mais je me mens.
Voici 6 mois que mes épaules sont lourdes, de plus en plus lourdes. Que je refuse de m’entendre, que ma vie est rythmée par une checklist que je m’impose. Pour ne rien sentir, ne rien voir, pour avancer coûte que coûte. Surtout ne rien dire, ni à moi, ni aux autres.
Juin 2019, je sens que mon esprit m’échappe, que mon corps hurle « ça suffit » mais non, je dois tenir, je ne peux pas me le permettre, mais au nom de quoi, de qui ? Encore quelques jours et mon corps m’oblige, me contraint à m’arrêter. Mais je le sacrifie en trompant mon esprit, en le persuadant qu’il n’y a pas d’autre voie.
Et puis, arrive ce matin de Juillet où je me réveille et je ne sais plus qui je suis, ce que je veux, ce je désire. J’ai l’impression qu’une autre a pris ma place dans ce corps que je ne regarde plus, qui me déplait. C’est comme une sortie de route dans une course de Formule 1, violent, sans issue. J’entends mon corps me dire, tu n’as rien voulu entendre, tu ne m’as pas laissée le choix. J’entends mon esprit exprimer sa solidarité. C’est une coalition, un complot qui me soumet, me neutralise.
Je n’ose pas ouvrir les yeux, je préfère me dire que c’est un cauchemar. Je ressens d’abord une grande douleur, insupportable, immense. Je pleure, longtemps. Qu’est-ce qui m’arrive ? Qu’est-ce que je vais leur dire à tous ? C’est le vide, le grand vide. Plus rien ne fonctionne, mon esprit m’abandonne. J’ouvre les yeux, je regarde autour de moi. Le lieu m’est familiée, c’est ma chambre. Je suis soulagée. J’ai eu peur d’avoir perdu connaissance et de me retrouver à l’hôpital. J’écoute les bruits de la maison, les mêmes que d’habitude. Sauf que moi, je ne suis plus la même, j’ai peur de sortir de mon lit, de ma chambre. Je suis devenue une étrangère à moi-même. Comment je vais faire ? Je pense à La métamorphose de Kafka, persuadée que si je parviens à cacher ce qu’il se passe dans ma tête, je ne parviendrai probablement pas à dissimuler mon corps transformé.
Vient ensuite, un sentiment de bien-être, de libération. Je commence à me sentir légère. Puis, j’écoute mon esprit, il me parle. Une voix intérieure me chuchote, « tu pensais que j’allais rester cachée encore longtemps ? Pourquoi tu m’as laissée tomber ? Je n’en pouvais plus de rester dans ce silence. Tu ne m’entendais pas, refusais de me voir et j’en crevais. Petit à petit, je distingue celle qui a pris ma place, elle ne m’est pas étrangère. Je l’observe, je l’écoute. Sa voix chuchote encore « Tu ne m’as pas laissée le choix. Il en a fallu du temps pour que je t’immobilise. Tu as vu ce que tu as fait de nous ? Maintenant, je reprends ma place et je t’interdis de m’en empêcher. De toute façon, ton corps est mon allié. Tu ne pourras plus nous nuire. Alors, bouge de là ! »
Je la reconnaissais enfin, et j’en éprouvai un grand soulagement, comme quand on a parcouru une longue route dont on pensait ne jamais voir la fin. Je l’accueille avec douceur, je la prends dans mes bras, je la berce. Celle qui a pris ma place a 17 ans, je l’ai reconnue, c’est moi.
Je me lève, j’ouvre la porte de ma chambre. Plus rien ne sera comme avant, et alors ?
Cette histoire a été partagée par Elisabeth.
Mémé la remercie et espère que cette histoire vous a fait du bien et vous a inspiré.e autant qu’elle.
Si comme Elisabeth, vous souhaitez partager une histoire avec mémé, n’hésitez pas à utiliser le formulaire Racontes à mémé ! en bas de page, pour lui soumettre votre proposition.
Juin 2019, je sens que mon esprit m’échappe, que mon corps hurle « ça suffit » mais non, je dois tenir, je ne peux pas me le permettre, mais au nom de quoi, de qui ? Encore quelques jours et mon corps m’oblige, me contraint à m’arrêter. Mais je le sacrifie en trompant mon esprit, en le persuadant qu’il n’y a pas d’autre voie.
Et puis, arrive ce matin de Juillet où je me réveille et je ne sais plus qui je suis, ce que je veux, ce je désire. J’ai l’impression qu’une autre a pris ma place dans ce corps que je ne regarde plus, qui me déplait. C’est comme une sortie de route dans une course de Formule 1, violent, sans issue. J’entends mon corps me dire, tu n’as rien voulu entendre, tu ne m’as pas laissée le choix. J’entends mon esprit exprimer sa solidarité. C’est une coalition, un complot qui me soumet, me neutralise.
Je n’ose pas ouvrir les yeux, je préfère me dire que c’est un cauchemar. Je ressens d’abord une grande douleur, insupportable, immense. Je pleure, longtemps. Qu’est-ce qui m’arrive ? Qu’est-ce que je vais leur dire à tous ? C’est le vide, le grand vide. Plus rien ne fonctionne, mon esprit m’abandonne. J’ouvre les yeux, je regarde autour de moi. Le lieu m’est familiée, c’est ma chambre. Je suis soulagée. J’ai eu peur d’avoir perdu connaissance et de me retrouver à l’hôpital. J’écoute les bruits de la maison, les mêmes que d’habitude. Sauf que moi, je ne suis plus la même, j’ai peur de sortir de mon lit, de ma chambre. Je suis devenue une étrangère à moi-même. Comment je vais faire ? Je pense à La métamorphose de Kafka, persuadée que si je parviens à cacher ce qu’il se passe dans ma tête, je ne parviendrai probablement pas à dissimuler mon corps transformé.
Vient ensuite, un sentiment de bien-être, de libération. Je commence à me sentir légère. Puis, j’écoute mon esprit, il me parle. Une voix intérieure me chuchote, « tu pensais que j’allais rester cachée encore longtemps ? Pourquoi tu m’as laissée tomber ? Je n’en pouvais plus de rester dans ce silence. Tu ne m’entendais pas, refusais de me voir et j’en crevais. Petit à petit, je distingue celle qui a pris ma place, elle ne m’est pas étrangère. Je l’observe, je l’écoute. Sa voix chuchote encore « Tu ne m’as pas laissée le choix. Il en a fallu du temps pour que je t’immobilise. Tu as vu ce que tu as fait de nous ? Maintenant, je reprends ma place et je t’interdis de m’en empêcher. De toute façon, ton corps est mon allié. Tu ne pourras plus nous nuire. Alors, bouge de là ! »
Je la reconnaissais enfin, et j’en éprouvai un grand soulagement, comme quand on a parcouru une longue route dont on pensait ne jamais voir la fin. Je l’accueille avec douceur, je la prends dans mes bras, je la berce. Celle qui a pris ma place a 17 ans, je l’ai reconnue, c’est moi.
Je me lève, j’ouvre la porte de ma chambre. Plus rien ne sera comme avant, et alors ?
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